on comprend que Cayalá n’est déjà plus Ciudad Guatemala – du moins pas la Ciudad qu’on connaît, celle grouillante bétonnée, rongée d’oxydes, collapsée du trafic automobile. Très chic, tout près, Cayalá est au contraire un hâvre calme et blanc, propre, un hâvre de très grande saloperie.

Dans les années quatre-vingt-dix, derrière les quartiers riches à l’est de la capitale, à l’endroit où il n’y avait encore rien, un groupe d’entrepreneurs à la tête desquels, sans doute, les sept familles qui possèdent les entreprises les plus importantes du pays, ont décidé de bâtir un quartier immense rien que pour eux, les élites ladinos. Il fallait se mettre à l’abri de cette ville même qu’ils ont méthodiquement rendue invivable, par ce geste de sécession-doigt d'honneur qu’ils nomment Ciudad Cayalá.

Mais ces gens sont des brutes. Style néo-romain grotesque avec supermarchés établis dans des bâtiments en forme de grossier parthénon, blancheur immaculée, parvis proprets – seul endroit du Guatemala où l’on trouve des poubelles de rue ! –, fontaines boursoufflées, magasins Nike, boutiques fashions, spas et cinémas, parcs verdure ombre et tyrolienne pour les petits chéris à délasser. Un rêve d’Europe abruti contre leur propre pays