Retour à Paris. Je n’imaginais pas, dans le train, comme ça serait pesant – pourtant ça l’est chaque année, je ne m’y habitue pas. Et comme toujours à l’approche de la rentrée, je recommence à dormir mal. Le plus difficile à accepter est que je ne connaîtrais plus de nuits de bon sommeil avant la fin du mois de juin.
Rentrée. Blême ce matin. Perdu dans les couloirs du collège d’Épinay grand comme une usine. Impossible de me mêler aux collègues, quoi leur dire ?, au-dessus de mes forces. Même pas demander les prénoms.
Humeur massacrante toute la journée. Traîné seul, à peine bossé, et la compagnie insupportable de tout le monde.
Une pointe dans le poumon gauche lorsque je retiens mon souffle. Deux-trois jours que ça dure. Mon diagnostic va de la simple contracture dorsale (peu probable) à la pneumonie (assez probable), en passant par le cancer (très probable).
Rentrée demain. Les cours sont prêts mais ma désorganisation. C’est ce qui me met le plus en difficulté dans ce métier : impression – c’est un truc de Freud – d’avoir à faire tenir en même temps dans mes bras une montagne de paquets, et il y en a toujours un qui tombe, que je ramasse, un autre qui retombe, etc.
En blitz, pas une seule victoire probante. Je cherche le coup parfait, je perds à la pendule, pourtant c’est le gain seul qui importe.
Vu les élèves, et j’avais perdu l’habitude des grands dadais nonchalants. L’un d’eux, sérieusement dyslexique, ou carrément aveugle, déchiffre péniblement le mot activité et me demande si c’est écrit calvitie.
Le soir, deux petites heures sur la NA. Encore une cinquantaine de pages.
L’année dernière, avec les UPE2A, je n’ai pas appris les bons réflexes. Impossible, aujourd'hui, de jouer les profs stricts et structurés, de ne pas entrer dans cette connivence démago du prof copain, c’est-à-dire d’entrer dans leur jeu.
Et je me rends compte que je fais ce que je voulais éviter à tout prix, il y a deux ans de ça en entrant dans le métier : ne penser qu’à la gestion de la classe (comprendre : qu’ils ferment leurs gueules et m’écoutent sans moufter) et pas au contenu des cours – car une classe qui se tient sage est une bonne classe, c’est même la seule chose qu’on attend d’elle.
Fin de la dernière relecture pour la NA. Encore des défauts, sûr, et même pas certain d’avoir significativement amélioré le texte (il a fondu, mais sinon ?) ; mais sensation de l’avoir amené au plus loin de ce que je pouvais faire. Quatre années – même un peu plus – que ce texte m’accompagne, j’ai appris beaucoup sur moi en le fréquentant, sur lui aussi – un compagnonnage, sans doute, pas une amitié, mais à présent lui et moi savons qu’il est l’heure d’en rester là.
Vendredi soir, vu les anciens du capès. Semblions tous heureux de nous revoir, un an environ depuis le dernier verre. Rentré à trois heures, pinté, après longue discussion avec J.
Puis l’Huma. La foule, même joyeuse et bourrée, m’angoisse à mesure que je m’empâte. Je l’aimais tant, avant, la foule bourrée de l’Huma.
NA. C’est B. qui fait la dernière, ultime-ultime, promis-juré, relecture. Elle souligne ce qui ne va pas, car, au point où j’en suis, tout ce que je sais faire c’est réciter le texte sans y réfléchir. Là, elle est enfermée dans le bureau, je me demande ce qu’elle souligne, et si elle souligne beaucoup. Je tourne en rond et ne peux m’empêcher de la déranger pour des motifs puérils.
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