J'imagine que les plus difficiles à traduire sont les auteurs qui cherchent moins l'élégance ou la force des images, que la spontanéité du récit : ce forgeage instantané dans les esprits, sans médiation, d'une émotion simple et vraie. Sepúlveda serait de ceux-là. Ici, phrases à rallonge mal embouchées, rythme incertain ; mais évocation toute en nuances et non-dits de la réalité de la chasse à la baleine à la fin du XXe. Grands marins pressentant déjà l'impasse où ils sont, où nous allons. Monde révolu.

Al anochecer, el Evangelista echó anclas en un golfo de la Península de Cloue, y el argentino asó un cordero en la barbacoa instalada en popa. Los cormoranes y gaviotas acuatizaron junto al barco para recibir las sobras más que generosas.

Tampoco vimos ballenas en los siguientes tres días. El Vasco daba señas de mal humor a la hora de medir el combustible, pero debía mantener siempre las máquinas en marcha. Al cuarto día uno de los chilotes anunció ballena desde el mástil. Esta vez el Vasco se cobró una presa: un cachalote.

Don Pancho lo arponeó y el animal se llevó rápidamente los cien metros de cuerda. Al acabarse el rollo, la frenada del animal en fuga provocó un tirón que remeció el barco. Esto se repitió varias veces. El cachalote se acercaba a la embarcación para luego alejarse a gran velocidad. Tal vez ya había sido arponeado otras veces y sabía que de su rapidez dependía la posibilidad de zafarse del arpón, pero el Vasco lo seguía poniendo la nave a la misma velocidad del animal, manteniendo una distancia regular entre el cazador y la presa, impidiéndole que tensara la cuerda que los unía, hasta notar que sus maniobras evasivas se tomaban más y más débiles. Entonces, extenuado salió a la superficie y los chilotes echaron al agua uno de los botes. No me permitieron ir con ellos, pero asomado a la baranda pude ver la parte más dura de la caza.

Los chilotes tomaron los remos cortos pero de pala ancha, y el Vasco se amarró los tobillos a una argolla fija en la proa del bote. Los vi remar veloces hasta el animal. El Vasco de pie sosteniendo en sus manos el arpón de matar. Remaron hasta ponerse a un costado del cachalote y entonces el Vasco hundió el arpón en su piel oscura. El cachalote empezó a dar violentas sacudidas. Azotaba el agua con furiosos y planos golpes de cola que de acertar hubieran destrozado el bote, mientras los chilotes demostraban su habilidad de remeros esquivando los golpes pero sin alejarse en tanto el Vasco blandía un segundo arpón que no necesitó usar. Más tarde me diría que lo había alcanzado justo en los pulmones.

Con el cachalote atado al andamio, una plataforma desplegada a babor y paralela a la línea de flotación, emprendimos el regreso a la factoría. Don Pancho comentó que no le gustaban los ruidos de las máquinas y además la previsión meteorológica no era de las más optimistas. Nuevamente hicimos la peligrosa travesía entre las islas O'Brian y Londonderry, y al atardecer anclamos frente a la factoría.

A la mañana siguiente, dos botes remolcaron el animal hasta la playa, y ahí los chilotes lo abrieron con cuchillos semejantes a bastones de jockey. La sangre bañó las piedras y conchuelas formando oscuros ríos que enrojecieron el agua. Los cinco hombres vestían atuendos de hule negro y estaban ensangrentados de pies a cabeza. Las gaviotas, los cormoranes y otras aves marinas sobrevolaban enloquecidas por el olor a sangre, y más de una pagó la osadía de acercarse demasiado recibiendo una cuchillada que la partió en dos en pleno vuelo. Fue una faena rápida. Una parte del cachalote terminó salada y metida en los barriles, pero el grueso del animal quedó tirado en la playa, con restos de carne adherida a los huesos que muy pronto se unirían al panorama fantasmal de Isla Londonderry.

Las máquinas del Evangelista estaban de verdad dañadas. El viaje de regreso a Puerto Nuevo nos llevó tres días, y los hicimos en medio de un aguacero que no cesó hasta que entramos a las aguas de Bahía Inútil.

¿Qué hacía? ¿Me quedaba un tiempo más con el Vasco y don Pancho?

Fondeamos. Descargamos los barriles y algunos aparejos. Y luego de despedirnos del argentino y de los chilotes nos fuimos a comer a la pensión Fueguina. Cordero asado y chicha de manzanas.

– Mala suerte, paisanito —dijo el Vasco.

– Un cachalote. Sacamos apenas para los gastos —se quejó don Pancho.

– Y usted, paisanito. ¿Qué opina?

– No sé, don Antonio.

– Mire. ¿Le gustó el viaje?

– Sí. Me gustó el viaje, el barco. Me gustan ustedes, los chilotes, el argentino. Me gusta la mar, pero creo que no seré ballenero. Discúlpenme si los defraudo, pero ésa es la verdad.

– Mire. ¿No es como en la novela?

Quise agregar algo, mas el Vasco me tomó de un brazo y me miró lleno de cariño.

– Sabe, paisanito, me alegra de que no le haya gustado la caza. Cada día hay menos ballenas. Tal vez seamos los últimos balleneros de estas aguas, y está bien. Es hora de dejarlas en paz. Mi bisabuelo, mi abuelo, mi padre, todos fueron balleneros. Si yo tuviera un hijo como usted, le aconsejaría seguir otro rumbo.

A la mañana siguiente me acompañaron a la carretera y me subieron al camión de un conocido que viajaba a Porvenir. Los abracé con el cariño desesperado de saber que tal vez nunca volvería a verlos. El mundo del fin del mundo.

A la nuit tombée, l’Evangelista jeta l’ancre dans un golfe de la Péninsule de Cloue, et l’Argentin fit rôtir un agneau au barbecue installé sur la poupe. Les cormorans et les mouettes se posèrent sur le bateau pour en recevoir des restes plus que généreux.

Nous ne vîmes pas davantage de baleines les trois jours suivants. Les machines devant toujours rester en marche, le Basque montrait des signes de mauvaise humeur pour calculer le carburant qu’il nous restait. Au quatrième jour, un des Chiloéens annonça une baleine depuis le mat. Cette fois le Basque tenait sa proie : un cachalot.

Don Pancho le harponna et l’animal emporta rapidement les cent mètres de corde. Quand la bobine fut épuisée, le freinage de l’animal en fuite provoqua une secousse qui fit tanguer le navire. Cela se répéta plusieurs fois. Le cachalot s’approchait de l’embarcation pour s’en éloigner ensuite à grande vitesse. Peut-être qu’il déjà été harponné d’autres fois et savait que de sa rapidité dépendait la possibilité de s’échapper, mais le Basque le suivait, mettant le navire à la même vitesse que l’animal, maintenant une distance raisonnable entre le chasseur et sa proie, l’empêchant ainsi de tendre la corde qui le liait à nous, jusqu’à ce que ses manoeuvres d’évasion le rendent de plus en plus faible. Alors, il apparut exténué à la surface et les Chiloéens jetèrent à l’eau une de leurs barques. Ils ne me permirent pas de venir avec eux, mais, penché à la main courante, j’ai pu observer la partie la plus dure de la chasse.

Les Chiloéens prirent les rames courtes à larges pales, et le Basque s’attacha les chevilles à un anneau fixé sur la proue de l’embarcation. Je les vis ramer énergiquement jusqu’à l’animal. Debout, le Basque tenait le harpon meurtrier dans ses mains. Ils ramèrent jusqu’au côté du cachalot, puis le Basque plongea le harpon dans sa peau sombre. Le cachalot commença à donner de violentes secousses. Il battait l’eau avec des coups de queue furieux qui auraient fracassés le bateau s’ils l’avaient atteint, en même temps que les chiloéens démontraient leur habileté de rameurs en esquivant les coups sans trop s’éloigner, tandis que le Basque brandissait un second harpon dont il n’eut pas besoin. Plus tard il me dirait qu’il l’avait touché juste aux poumons.

Avec le cachalot attaché à l’échafaudage, une plateforme déployée à bâbord et parallèle à la ligne de flottaison, nous entreprîmes le retour à l’usine. Don Pancho expliqua que le bruit des machines ne lui plaisaient guère, et que de plus les prévisions météo n’étaient pas des plus optimistes. Nous fîmes de nouveau la dangereuse traversée entre les îles O’Brian et Londonderry, et jetâmes l’ancre à la tombée de la nuit devant l’usine.

Le matin suivant, deux canots remorquèrent l’animal jusqu’à la plage, où les chiloéens l’ouvrirent avec des couteaux semblables à des bâtons de jockey. Le sang baignait les pierres et les coquillages, formant de sombres rivières qui empourpraient l’eau. Les cinq hommes étaient vêtus de tenues noires en caoutchouc, ensanglantés de la tête aux pieds. Les mouettes, les cormorans et d’autres oiseaux marins survolaient, affolés par l’odeur du sang, et plus d’un paya son audace en recevant un coup de couteau qui le découpa en deux en plein vol. Le travail fut vite accompli. Une partie du cachalot fut salé et mis en baril, mais la graisse de l’animal demeura à même la plage, avec des restes de viande collés aux os qui se mélangèrent très vite au fantomatique panorama de Londonderry.

Les machines de l’Evangelista étaient en effet endommagées. Le voyage de retour à Puerto Nuevo nous prit trois jours, sous une pluie qui ne cessa pas depuis l’entrée dans les eaux de Bahia Inútil.

Que faire ? Rester encore un peu avec le Basque et Don Pancho ?

On accosta, déchargea les barrils et quelques appareils. Et après avoir pris congé des Argentins et des Chiloéens, nous partîmes manger à la pension Fuegina. Agneau grillé et chicha aux pommes.

– Pas de chance, petit, me dit le Basque.

– Un cachalot. À peine de quoi couvrir les dépenses, se plaignit don Pancho.

– Et toi, petit, qu’est-ce que tu en penses ?

– Je ne sais pas, don Antonio.

– Tiens donc. Le voyage t’a plu ?

– Si, j’ai aimé le voyage, le bateau. Je vous aime vous, les Chiloéens, les Argentins. J’aime la mer, mais je crois que je ne serai pas baleinier. Excusez-moi si je vous déçois, mais c’est la vérité.

– Tiens donc. C’est pas comme dans le roman ?

Je voulus ajouter quelque chose, mais le Basque me prit par le bras et me regarda plein d’affection.

– Tu sais, petit, je me réjouis que tu n’aies pas aimé la chasse. Chaque jour il y a moins de baleines. Peut-être sommes-nous les derniers baleiniers dans ces eaux, et c’est une bonne chose. C’est l’heure de les laisser en paix. Mon arrière grand-père, mon grand-père, mon père, ils ont tous été baleiniers. Si j’avais eu un fils comme toi, je lui conseillerais de suivre une autre voie.

Le matin suivant, ils m’accompagnèrent jusqu’à la route et me firent monter dans le camion d’une de leurs connaissances qui allait jusqu’à Porvenir. Je les embrassai avec la tendresse désespérée de savoir que je le les reverrai peut-être jamais. Monde de la fin du monde.

Mundo del fin del mundo, Luis Sepúlveda, 1989