Pentecôte. Annulons le weekend en Bretagne, car tant de monde partout – les gens font les mêmes projets, ont les mêmes désirs que moi, ce qui me plonge dans une colère noire et froide, inextinguible.


Big Thief à la Cigale. « She talks to snakes and they guide her ». Férocité, violence puisée du profond du folk. Cette chose longtemps contenue qui surgit de la boite en un craquement terrible – cette énergie même que je guette en moi.

Et puis, pour jouer, H. a attaqué M. au ciseau à la fin du cours. Entaille à la main, grosses gouttes de sang sur le lino – image encore collée à ma rétine.


Suis le rouage en souffrance d’une immense et rutilante machine. Résultat de mutation catastrophique. Ils me pètent à Barbusse, au centre de la zone, no man’s land de béton et triangle des Bermudes du 9-3, pour lequel j’ai joué tous mes points. Je tourne le problème dans tous les sens : pris au piège.

Ce soir, au café, deux filles discutent à côté de moi et sont interrompues par Malika Kadri qui leur récite ses poèmes-par-coeur. Elle me prend gentiment à partie. J’offre mon briquet.


Mal dormi. Cette mutation qui fend jusqu’à mon sommeil. Je répète : pris au piège. Courses pour des fournitures de bureau ; toujours cette bizarre excitation avant d’acheter stylos et papiers, dans le seul but d'en avoir toujours en réserve. (et qui ne rêverait pas d'une existence aux réserves infinies ?) Retour en force de la clope, quatre aujourd’hui bientôt pire. Au bar, comme d’habitude, je me lamente.


P. ce soir. Elle me dit à plusieurs reprises que je suis stressé, et il faut qu’elle me le dise pour que je m’en rende compte, et que je ne fasse plus attention qu’à ça : je surréagis, hypervigilance, marche rapide et gestes frénétiques – c’est Paris, c’est la ville.

Contact avec le nouvel étab. Mes suppositions se confirment.


Chaleur écrasante, pas d’air. Aucune énergie. Soirée Pou d’A.– suis à peine resté après la lecture. Mais humour subtil de tous ceux-là, érudition, art du vers et sens de la formule. J’en viens à regretter que ça ne soit pas mon art. Mais c’est la nuit maintenant et je ne sais toujours pas quand dormir.