Arrivée à Carnac, ce qui signifie qu’il me reste une dizaine de jours. Depuis mon dernier passage, internet s’est installé subrepticement dans l’appartement et je crains que cela ne modifie ma petite routine annuelle. (Continuerais-je d’ailleurs à regarder les chaînes de la télévision profonde ?)

Retour en vélo après pique-nique avec P. Il y avait comme un brouillard filtrant, bas et fin dans l’avenue, abaissant la définition du monde à 480p. À l’odeur, c’était des feux de broussailles : les incendies de Camors, je suppose, portés par les vents de sud.

(L’honneur est sauf, ceci dit, puisque la pratique du jet-ski se démocratise dans la baie)


Presque rien. Nage traditionnelle, mille mètres eau libre, mais mon crawl n’avance pas. Je connais rythme et gestes par coeur, je dose la puissance, pourtant rien ne me donne cette impression que j’observe chez les autres nageurs parfois si impressionnants, de glisser dans l’eau. (où ai-je lu cela, que la natation est un sport de glisse ?) Au mieux, je me maintiens. Concentré sur mon crawl de sénateur à la respiration facile, c’est tout l’environnement qui me résiste, avec une pression d’eau énorme qui appuie contre moi, comme si le grand élément de mon enfance était trop missible avec mes chairs, et qu'elles se gorgeaient de lui et m’alourdissait.


Toujours routine. Plaisir de la nage à 16h, puis quelques verres de vin avant de me remettre au travail si les puissances le veulent bien. Je ne lis quasiment pas.

Désert rouge. Mise en scène, science du plan extraordinaire. Mais jeu de Monica Vitti un peu appuyé et personnages caricaturaux. Et pourquoi ne considère-t-on pas ce film – dont le sujet principal n’est pas l’ennui d’une bourgeoise – comme une grande envolée mélancolique sur le chaos climatique et la prédation humaine ? La psychose dont elle est atteinte trouve son origine dans la désolation de l’environnement : les grands navires fantomatiques qui s’approchent jusqu’à presque nous percuter ; l’immense zone industrielle dévastée dans laquelle elle évolue sans but ; ces zones de campagne boueuses et empoisonnées qui composent le pays entier – voilà pourquoi fuir.


Plus de dix jours à Carnac, tendance régressif ; pas lu, pas tenu le journal ou presque, quelques films (Zabriskie Point et Désert Rouge essentiellement). Sport tous les jours.

Retour Paris. Non-vie, épaules fermées. Tension dans le cou et gestes parasites avec les doigts. À Massy, on m’accoste : eh chef, t’as une clope ? Je refuse par réflexe parisien, puis je me ravise quelques secondes plus tard et reviens vers le type en lui tendant mon paquet, pour gagner quelques secondes supplémentaires de vie sur la non-vie.