Je retrouve Pacôme Thiellement où je l’avais laissé la dernière fois : un peu abrutissant, certes, mais érudition remarquable et décalée, et toujours très pertinent quand il s’efface derrière son objet. Ses Trois essais sur Twin Peaks sont un modèle du genre, malgré les dispensables (mais non inutiles) digressions gnostiques, tibétaines ou hindoues. D’ailleurs, c’est à partir d’une de ces théosophies qu’il propose, pour qualifier la ville de Twin Peaks, l’expression « monde des formes en suspens », un monde entre le nôtre et le céleste, sorte de lien nodal où s’exerce à bas bruit la lutte entre ténèbres et lumières. Et c’est encore Thiellement qui trouve la solution de la saison 3 : lorsqu’au dernier épisode, Cooper, désorienté, s’interroge : « en quelle année sommes-nous ? », le spectateur ne peut pas en douter : le monde est pauvre, hargneux, rongé par la drogue ou abruti de fric : nous ne pouvons être qu’aujourd’hui. – Twin Peaks saison 3 est d’abord une série sur l’état de notre monde.


Poème (involontaire ?) de S., 5ème :

Dehors, une fumée grise dans la ruelle

D’à côté un brouillard pâle d’untel

Froid accompagné de pluie

Transparente comme un miroir

 

Quand revais-je revoir mon reflet

Devant ma glace pour pouvoir les revoir

Une dernière fois et leur dire au-revoir

Comme me le semblait dans mes souvenirs

 

Re-pourrais-je sortir de ce rectangle pour

Un jour revoir non de la pluie mais

Un magnifique coucher de soleil palpitant

 

Nuage blanc non gris m’a offert

Ce que je voulais voir avant de mourir

Un magnifique rayon doré et gris

 

Corrigé les poèmes des élèves. Pris du poids (bide rond). Vic Chessnut en tête – Chinaberry Tree.


L’autre jour, R. m’apprend que Nepomniachtchi signifie en russe « celui qui ne se souvient pas ». Si c’est vrai, c’est drôle. Superbe partie cet après-midi face à Ding.

Barthes, L’Empire des signes que m’a offert A. il y a quelques semaines (mois ?) – mon Barthes annuel. Un peu fumeux, celui-là, parfois bavard. Peut-être que je n’y comprends rien car je ne connais rien au Japon, mais Barthes non plus paraît-il – à la sienne !


Je hurle qu’ils sont « des branleurs » et qu’il ne faudra pas « venir chialer » quand ils se présenteront en fin de troisième avec « moins huit de moyenne » et « qu’on se foutera bien de leurs gueules quand ils demanderont une seconde gt » – bon.

Barthes sur le haïku : haïku comme texte n’acceptant aucun autre paratexte que lui-même.


Vu C. hier jusqu’à tard. Me raconte sa nuit interminable, affreuse et délirante quand il s’est échappé à lui-même. Moi, j’étais ravi de ce qu’il me disait, car c’était une formidable matière à texte – offrir L’Art de péter à une présentatrice télé célèbre, croisée par hasard au café – que je mettais à distance immédiatement en riant de ses tribulations absurdes, sans vouloir me rendre compte à quel point cette nuit le troublait encore, et qu’elle élargissait en lui une faille déjà abyssale : suis-je définitivement malade de la tête ? En le quittant, un peu nauséeux, sensation très nette d’avoir été trop loin.