Mauvaise humeur et abattement, sentiment que bon à rien.

Ai perdu ma partie du tournoi du club. Cadence 50 minutes, incrément 10 secondes, première fois à cette cadence. Partie médiocre, adversaire de mon niveau, mais j’ai tout joué de travers, comme tout en ce moment.

Les échecs prennent une place centrale dans ma vie, dangereusement. Je ne peux plus me passer de ce jeu auquel, justement, je suis mauvais. Je joue et je perds, ça me met hors de moi, pourtant je suis incapable de cesser d’y jouer.

Et j’ai du mal à imaginer que, dans une semaine, nous serons dans la brume et le froid des crêtes, et que je retrouverai le silence absolu. Depuis combien de temps ne me suis-je pas offert une minute ou deux de silence absolu ?


Échecs. Encore perdu. Je me répète que j’accepte trop facilement la défaite, mais ce n’est pas si simple. La question n’est pas d’accepter. La défaite est là ou n’est pas là. Et puis je suis comme tout le monde, je déteste perdre. Seulement, moi, depuis le début de mon existence, je perds plus souvent que je gagne (et d’ailleurs, quand je gagne, les gens remarquent que je ne sais pas quelle attitude adopter). J’ai bien été obligé d’apprendre à faire bonne figure devant les adversaires victorieux, à intégrer ce que cela charrie de symbolique (pas si dérisoire), sinon je serai devenu fou.

Les discours des gagnants me paraissent ineptes. Eux disent, sur le mode de l’explication simple et modeste : je gagne parce que je déteste la défaite plus que les autres. C’est faux. C’est d’abord parce qu’ils gagnent plus que les autres qu’ils détestent la défaite plus que les autres. La différence entre un gagnant et un perdant, c’est que le gagnant gagne et le perdant perd, rien d’autre.


Préparation du GR20. Sac treize kilos, un peu lourd mais besoin de vêtements chauds et et de la flasque de whisky, auquel il faudra rajouter trois ou quatre kilos de nourriture. Il y a quelques jours, peut-être que la crainte l’emportait sur le désir de partir. Je n’envisageais que l’incertitude, les dangers liés au mauvais temps, la douleur inévitable de l’effort physique. Aujourd’hui, l’inverse, je suis déjà sur les sentes : l’incertitude est une joie, les dangers un défi, la douleur un vade-mecum.


Dernière nuit au chaud. Perspective toujours terrifiante de l’avion – deux fois !

Terminé le texte sur Consuela. Satisfaction de l’avoir bouclé presque d’une traite et sans trop d’efforts. Ce sont ces textes-là, simples, heureux, que je dois composer ces temps-ci.

La montagne corse me tourne déjà autour. J’imagine dans mon sommeil la rigueur des sommets, la lueur de nos frontales au matin, le bouclage des sacs après le bivouac. J’imagine cent péripéties, mais je sais que nous aurons prise à d’autres, imprévisibles.