C’est au collège. Je fais une blague, ou une remarque sous forme de blague à un élève que je ne connais pas. C’est une force de la nature : 1,90m environ et une bonne centaine de kilos. Il est blanc de peau, porte un pull blanc de marque « Rohff ». Il est joueur et sympathique, mais, de toute évidence, un peu débile.

Brusquement, il répond à ma blague en me pinçant très fort les tétons. Je crie et le plaque contre le mur, comme un flic. Je lui dis qu’il m’a fait mal et qu’il ne doit pas recommencer. Mais tandis que je lui parle, je lis dans ses yeux qu’il ne comprend pas le problème.

Une minute plus tard, il me pince à nouveau au même endroit : je crie encore, mais de colère cette fois. C’en est trop, je saisis son bras pour l’emmener dans le bureau de Mme R. Lui ne dit rien, sourit bêtement mais ne bouge pas d’un pouce. Il est si lourd que je n’arrive pas à le déplacer de force.

Puis passe un flot d’élèves, une vraie vague qui me fait lâcher son bras. Le pinceur en profite pour s’échapper et trouver refuge dans un placard à balais, où grouille un essaim d’élèves, informes et sans identité. J’interpelle C.C. qui passait par là et lui demande le nom de cet élève et sa classe afin de signaler son comportement. Il s’agit d’Ahmani, 4e6. Mais il est terrible, ingérable, me dit C.C. Il n’y a rien qu’on puisse faire. Il me précise qu’auparavant c’était une fille qui s’appelait Madani et qui portait la moustache.

Plus tard, je réussis tant bien que mal à retrouver mon élève et à le traîner vers le bureau de la principale. La zone dédiée à l’administration est un dédale. L’élève, si lourd à manoeuvrer, mais étonnement agile lorsqu’il agit de son propre chef, tente à plusieurs reprises de me fausser compagnie. Nous parvenons à une salle d’attente à proximité du bureau de Mme R., où une équipe d’adultes compulse avec ennui des listings d’élèves. Ahmani, ou Madani, s’échappe encore. Je laisse éclater ma colère en jetant par terre tous les masques antibactériens qui traînent dans ma poche. Les adultes, occupés à leurs listes, n’ont rien à faire de ma mésaventure. Je leur demande s’ils connaissent l’élève qui vient de partir. L’un d’eux m’assure qu’il est en fait en sixième, un autre me dit qu’il ne désire pas se mêler de ces choses-là. Je relève la tête et retrouve enfin mon élève. Il était sous mon nez depuis de longues minutes, s’étant mêlé à la masse des adultes éplucheurs de listings ! Parmi eux, il semble si adulte, et les autres, tellement jeunes !

Je suis fou de colère de m’être laissé berner ainsi. Je le frapperais si je pensais que mes coups pouvaient lui faire mal, mais je sais qu’ils ne feraient que rebondir contre son gros ventre. Je saisis d’une main les listings de classe, en empoignant de l’autre mon élève afin qu’il ne s’enfuie plus, ou change encore d’identité. Mais j’ai beau chercher, aucun nom sur le listing ne correspond. Je comprends que cet élève n’existe pas.