Ma grande question, où allons-nous habiter ? J’imagine une ville de trombes d’eau, bouchée de pick-up, presque sans trottoirs. Où allons-nous vivre ?


Paralysé de chaleur, rien à écrire puisque je me donne trois semaines de relâche pour Obi. Mollesse aux quatre coins de l’appart’. Hier fin Néons (Belloc), grand livre comme ma tête tapée sur le béton. Réservé Képas à la bibliothèque.


Entrepris le désherbage et la mise à niveau de la filmothèque qui me suit sur un disque dur depuis plus de dix ans. Supprimer les fichiers dont la qualité n’est pas bonne ou dont les sous-titres sont défectueux. Convertir en .mkv les films rippés (peut-être une centaine) depuis ces dvd que j’empruntais chaque semaine à la fac de Rennes, ou enregistrés à la volée lorsqu’ils passaient à la télé en des temps immémoriaux. Beaucoup de ma vie.


Soirée de départ de P. C’est toute la petite bande de rmg qui s’en va, ou presque. Proximité, fluidité relationnelle.

Achat de deux énormes valises – ces boîtes coûtent un fric monstre. C’est en repartant avec que, roulettes sur le goudron du leclerc, pointe d’émotion, voilà nous partons.


À l’appartement, nos possessions matérielles nous échappent les unes après les autres. Le bureau s’est envolé – j’écris sur une planche entre deux tréteaux – plusieurs cartons pleins de bric-à-brac aussi ; les sacs poubelles s’amoncellent, remplis de vieux vêtements. Tout ce qui reste en place menace de s’enfuir, comme ça, d’un coup de vent par les fenêtres, et tristesse car nous ne bougerons pas le petit doigt pour les en empêcher.


Je regarde les étagères du fond encombrées de bouquins. Parfois, un mot, un nom fait comme une pichenette sur ma tête, mais j’oublie très vite. Certaines tranches, je n’arrive pas à les lire, alors je m’approche, mais je refuse de ressembler à ces clients savants et distingués à la recherche d’un livre vieux et rare connu d’eux seuls. Je voudrais avoir l’air de rien devant les livres – un jeune à banane sur un banc, un plagiste écrasé de soleil, un horticulteur appliqué. Mais c’est plus fort que moi, je dois déchiffrer les tranches. Je voudrais qu’on ne me voie pas faire, mais je penche exagérément la tête vers les livres, leurs noms – j’ai peut-être l’air savant et distingué, je m’en veux – et les mots tirent en moi de belles saloperies qui remontent à la surface en pichenettant. Une femme finit par remarquer mon petit manège.

Grand plaisir de reprendre mes vieilles séquences de stagiaire pour les transformer en objets souples et maniables. La seule idée de reprendre, d’ordonner le fatras chaotique de trois ans de cours pour en faire un ensemble cohérent et réutilisable – cette seule pensée qui ne se réalisera pas vainc en moi le ronchonnement de toute la journée.


L’autre soir en fin de soirée, A. me demandait ce que j’avais écouté de bon en musique ces derniers temps. Je n’ai rien trouvé à lui répondre. Aujourd’hui, après un long temps de réflexion, je me suis rendu compte que la musique a entièrement disparu de ma vie. Insensiblement, jour après jour, qui sait depuis des mois. Ce n’est pas que je n’aie plus besoin d’elle. C’est elle qui m’a quitté, car je n’ai plus ce qu'il faut dans la tête pour la capter et la comprendre. Ne plus accéder à la musique, c’est un pas de plus vers le néant, non ?

Avant de dormir, un doute. Le texte que j’ai fait n’a rien à voir avec celui que je pense qu’il est. Ce n’est pas qu’il ne marche pas, c’est qu’il ne vaut rien car il ne fait pas ce que j’ai voulu qu’il fasse.

Tour de France. Vingegaard est monté sur sa mobylette. 22 km en montagne, 41km/h de moyenne. Les types ont tous l’air de cancéreux, blafards, creusés, les yeux vitreux, et ils ont Ariane 5 dans les pattes.