Formation de grammaire. K. R. est formelle (mais, d’une manière ou d’une autre, personne ne peut être plus formel qu’un grammairien) : on en demande trop à nos élèves. Avant seize ou dix-sept ans, le cerveau n’est pas assez développé pour produire toutes les opérations linguistiques de ce que nous appelons le bien écrire. Il faut plutôt monter dans leur esprit, brique après brique, le grand Lego de la langue, chaque chose liée à une autre par un petit morceau de plastique qu'il est si bon de se mettre dans la bouche. Moi par exemple, grand retardé et bel exemple de l’échec de l’enseignement de la langue, je n’ai su écrire correctement qu’après vingt ans, et encore.

Deux autres visites. Un appartement au pied des Buttes Chaumont. Petit mais lumineux, idéalement placé, il emporte la mise : c’est ici que nous désirons habiter.

Le proprio de l’autre appartement, à Saint-Ouen, poste différentes annonces sur différents sites, augmentant le loyer d’une bonne centaine d’euros en fonction de qui lira l’annonce. Nous apprenons du locataire actuel que nous avons eu droit au prix médian. Sommes flattés. B. dit : c’est un roublard, et le locataire, que le mot rend inexplicablement heureux, acquiesce.

En vélo dans Paris. Des dizaines de compagnies de CRS, à pied ou à moto, en marge de la manifestation de soutien à la Palestine. Tout le nord de la ville était quadrillé, perturbé par ces hommes dont la mission – visuellement – semblait moins le maintien de l’ordre que défoncer du rebeu. Grimés en Dark Vador qui aurait oublié la pesanteur, ils disaient à toutes les Mme Duchmol qui passaient par là : c’est eux contre nous, à vous de choisir.


Habiterons donc aux Buttes Chaumont, autre grand pays bobo. Cette fois, pas la moindre appréhension à la perspective de partager un appartement.

Bien que dans ma tête ça soit la tempête un jour sur deux ; bien que je mette, pour un oui pour un non, de grands coups de barre à droite ou à gauche en fonction des vents tournants ; bien que tout cela, quand je regarde la trajectoire de ma vie avec un rien de recul, il est évident que mon existence est d’une très, très ennuyeuse banalité.


Surveillance de DNB blanc. Un élève gigote sur sa chaise, lit le sujet quelques secondes par acquit de conscience puis relève la tête – il voudrait voir de ces perruches vertes qui ont élu domicile dans les tours voisines – ; il me regarde et hésite à me sourire, avant de somnoler quelques minutes, de se réveiller, et ainsi de suite.

Ce qui lui arrive est tristement banal, pourtant, en observant les dix autres élèves qui travaillent avec une application effrayante, je ne pouvais m’empêcher de penser que de nous tous, c’était lui le plus raisonnable. À la fin, il n’a pas rendu copie blanche, deux-trois calculs griffonnés sans mention d’aucun exercice, juste pour dire que.


Le traitement de texte est tellement encombré de mots qu’il rame pour effacer ou ajouter le moindre caractère. Comme moi, il fait semblant de se mettre au travail, mais ne rêve en réalité que d’une page blanche, où seuls quelques signes suffiraient. Rien que quelques mots évidents, mais si puissants. Tout l’espace qu’il y aurait alors, tout le reste de la page blanche, tellement d’espace !, un lieu de pause.

Depuis combien de temps n’ai-je pas réussi à enquiller les heures, entièrement absorbé par le texte ? Je me disais qu’il faudrait retourner au bar – Pouchla ! – c’est encore là que je travaillais le mieux.