À peine j’entre dans le charmant petit village de Douneika que les chiens aboient (ils sont en nombre en Hélide, derrière les grillages des exploitations, parfois en liberté, errant, et si l’on n’est pas un Grec, ils menacent sans discontinuer des pires représailles même bien après qu’on a passé), que j’effraie les gosses qui jouent au ballon dans la rue principale, et qu’un père, sur ses gardes, m’indique la direction du café avec l’air de me dire dégage. Ici, les gens ne comprennent ce que je veux dire que lorsque ça les arrange, et ça ne les arrange pas souvent.

Après que Vassilis m’a raconté une partie de sa vie, hier, son existence, sa demeure, la moindre de ses attitudes m’apparaissent sous un jour différent. Le deuil est partout. Dans la manière qu’il a de dormir devant la télé le jour et de ne pas dormir la nuit, dans sa compulsion tabagique, dans sa maison sans tenue où tout traîne, où tout se laisse vivre petitement, et jusque dans sa cuisine dont l’huile d’olive constitue le seul raffinement autorisé.

Je vais quitter Vassilis samedi ; je serai resté une semaine plutôt qu’un mois, mais je ne peux plus rester là. J’irai dans le Magne, sac au dos, en passant par Olympie, de longues marches en perspective, des fortunes dépensées en nuits d’hôtel — nous verrons.

Sans doute, si je n’avais pas été seul avec Vassilis, si une fille de la ville, Paris Rome ou Berlin, avait logé là en même temps que moi, telle que C. avait dû être lors de son passage ici, toute en rires hors du commun, cela aurait été différent. Moi, petit gars sans aptitude particulière pour l’engouement, sans sophistication, sans attraits capables de faire tourner la tête des gars d’ici, bien sûr que tout le monde s’en fiche, je n’ai rien à offrir qu’ils n’ont déjà.