Deux jours vides. Cette nouvelle biographie de Miles Davis concentre de manière spectaculaire tous les défauts des biographies de musicien. Orgie de noms et de dates pour montrer qu’on a bossé, analyses gazeuses et style de premier jet. Par fainéantise, revu Minority report pour la cinq ou sixième fois au moins. C'est le Spielberg qui me trouble le plus. Cette manière de rassembler en un récit haletant et populaire toutes les névroses à la fois du cinéma et du XXIe siècle naissant – y sommes encore.

 


 

Weekend sur la côte. Jusqu’à Houat en voilier avec P. et P. Peu de vent et le calme blanc, la mer comme dans une grande bassine. Le soir, au mouillage, j’ouvre le carnet de bord, tenu précisément par H. depuis 2005 (quoique relâchement ces dernières années). J’en lis à voix haute chacune des entrées : notations de caps, de vent, des heures moteur, plus quelques faits minuscules qui me ligotent au voilier comme si mes tripes étaient dans sa coque. Puis retour Paris, retour combat – quelques achats pour la marche dans le Vercors la semaine prochaine. Je décompte les jours qui me séparent de la reprise : est-ce que j’aurai assez de jus pour tenir mon rang une année entière ?

 


 

Presque toute la journée consacrée à la préparation Vercors. L’écart entre la reproduction topographique et le terrain réel, les courbes de niveau et les pentes à gravir, est abyssal, mystérieux et désirable.

 


 

Programme : 180km ; 10 000d+ ; pas d’eau sur les plateaux et leurs pourtours. La bio de Miles est terriblement bâclée – quelqu’un chez Gallimard a-t-il au moins relu ce truc ? – mais elle me permet tout de même de penser/classer le jazz, opération intellectuelle chez moi préalable à toute prise à bras le corps : désormais je distingue les périodes et les hommes – longs passages sur Shorter qui me donnent, techniquement, confirmation de ce que je sentais par intuition dans Speak no evil et Adam’s apple. Puis, fatalement, ce problème de l’improvisation : dans quelle mesure peut-on retrouver en littérature le couple si puissant composition/improvisation, Eros et Thanatos ? Comment pourrais-je improviser certains jours devant la page, et composer d’autres jours ? Comment écrire en improvisant, si l’on considère l’improvisation comme une élévation intuitive et sensorielle à partir d’un donné ? – En somme, tous les comptes que Miles, Shorter, Coltrane et les autres ont à nous rendre.

 


 

Semoule et lentilles corail ; beurre de cacahuète ; pain des fleurs. Puis Miles, années 70, extension et psychédélisme, tempo rock. Filles de Kilimanjaro, In a silent way, Bitches brew. (Préférence pour le premier : transition parfaite avant les sonorités électriques qui ne m’apprennent pas grand chose, puisque le son qui était sur le point de naître à l’époque, est celui que je fréquente depuis des années). Ce soir dans le bassin d’Arcachon pour faire la connaissance d’A.G. À l’arrivée en gare après minuit, une manufacture de papier se détache sur l’horizon. Contre la nuit, ses grands panaches blancs interminables s’imposent à la faveur des réverbères.