Dernière soirée à Flores. On n’aurait pas dû rester aussi longtemps ici ; passons le plus clair de notre temps à glandouiller en buvant des chelas. Quelques semaines plus tôt, je fantasmais les traces dans la jungle et les backpackers absolus. Matin, visite de l’Actún Kan, immense grotte avec petits boyaux dans lesquels se faufiler. Demain départ, enfin, pour Sayaxché.


Mauvais temps. Ce crachin qu’on appelle tchipi-tchipi. Départ tôt pour Sayaxché, sur la rive nord du fleuve Pasión (!). Enfin lancha pour l'Aguateca, perdue dans les méandres. Encore une heure de marche pour gagner le sommet, la cité maya, où subitement la jungle touffue découvre les vestiges des palais vieux de deux mille ans. Toujours cet instinct primordial – incompréhensible, absurde, vain ? – d’aller où il n’y a rien, personne, quelques pierres et le vide. Cette idée du backpacker absolu, qui est aussi le backpacker le plus vain.


Nuit réveillon à la Finca Ixobel, déserte. Dînons tous deux, W. et moi, avant que l’américain et l’allemand, les deux volontaires qui logent ici, nous rejoignent pour bières et rhums (beaucoup). À minuit, pour accompagner des feux d’artifices parfaitement chapíns, l’amerloque sort son flingue, tire en l’air et me propose d’essayer. Sommes complètement déchirés, je garde les douilles en souvenir.


Retour Ciudad. Trois derniers jours pour écrire. Impression d’avoir dépassé l’apogée du texte : je le dérègle plus que je l’améliore. Il faut très vite que ça.


À midi au lycée, discussion à propos des barrancos, ces ravins, ou failles, sur lesquels s’est construite la Ciudad (difficile de s’en apercevoir au premier abord), et qui forment autant d’abîmes naturels entre les colonias, les boulevards et les condos. En vérité, la Ciudad s’étend sur le vide. Alors on imagine que les barrancos forment un véritable réseau sous la surface de la ville – grande selva inexplorée, polluée des égouts du dessus, où sont relégués les laissés-pour-compte, les opposants, les dealers. On dit que parfois, ils reviennent à la surface pour cambrioler nos maisons.


Un cours de littérature, j’ignore toujours ce que c’est, l’objectif, comment faire. Discrètement, je pose la question aux collègues : qu’est-ce qu’on fait en cours de français ? Mais on me fait comprendre, à juste titre, que je m’en pose beaucoup trop, des questions et des problèmes. Pourquoi ne pas faire juste cours ? Faire apprendre ce qui doit l’être, normalement et sans circonvolutions inutiles ? Ne pas chercher à inventer la roue une nouvelle fois chaque semaine. Je me figure que Je combats, mais je ne suis qu’un mauvais Quichotte aux prises avec mon propre petit rien.

Ce que le Guatemala fait à mon corps, je suis encore incapable de le décrire.


Hier réception chez l’ambassadrice, à l’occasion de la venue de la députée. Petits fours et champagne. Brève discussion avec la députée. Sympa – c’est son métier.

Aujourd’hui chez Sophos, seule vraie librairie de la Ciudad. Une seule librairie pour une ville de plus d’un million d’habitants.