Sixième semaine d’entrainement spécifique dix kilomètres. Objectif 41’30. J’enchaîne les fractionnés, les segments à allure cible. Ces moments où ça souffre. Suis fatigué, j’ai faim en permanence et claudique au lendemain des séances. J’en tire une satisfaction inouïe.
Au resto avec les filleuls de B. L’un, bientôt dix-huit ans, pense à l’avenir, après son cosy lycée rueillois. Il trouve inadmissible que, considérant ses résultats scolaires, bons sans être extraordinaires, sa professeure ne le soutienne pas pour qu’il intègre la meilleure prépa de France (Ginette, paraît-il), mais seulement pour Janson-de-Sailly ou Louis-le-Grand. Au long de cette conversation lunaire entre gosses de la notabilité pauci-versaillaise, je pense à mon frère. Lui a toujours été le premier de sa classe avec 22 de moyenne. Ce qu’on lui a proposé, le mieux vers quoi l’institution pouvait le guider, c’était la prépa de Rennes où vont les petits génies bretons dans son genre. Et je les écoute, tous les quatre, deviser sur des parcours composés d’X HEC ou Centrale, qu’eux considèrent comme la voie classique quand on réussit bien, mais qui pour nous n’existaient pas, demeuraient hors du champ des possibles et des volontés, et aucun ne se rend compte qu’il parle depuis un monde resserré, indécent, inadmissible, à cramer en entier – ce à quoi je songe en finissant ce verre de vin pas-trop-mal. De retour, un peu calmé, j’explique à B. que je ne leur en veux pas car ils sont si jeunes – mais je mens, en vérité. Je ne crois pas que leur jeunesse, leur éducation ou leur milieu les excuse. Je leur en veux beaucoup de ne pas se rendre compte.
Un ami d’A. me confie hier soir que, d’après une investigation dermatologique poussée, sa peau est huit fois plus fine que la moyenne. Sachant que la peau sur le corps est épaisse de 0,6mm, cela signifierait que sa peau à lui mesure 0,075mm, c’est-à-dire fine comme un plastique de supermarché.
Par coïncidence, depuis plusieurs jours j’ai en tête cette image d’un homme soulevant la peau de son visage pour comprendre qui il est vraiment. La peau du visage d’O. ne se soulèverait même pas, inutile, il suffirait de gratter du pouce ou de l’index, comme pour un jeu de buraliste, pour qu’elle s’effrite très proprement. Le mystère, évidemment, c’est ce qu’il y a derrière. Il faudrait aspirer tout le sang qui masque, retirer les tissus graisseux, bien sécher l’ensemble pour avoir une bonne idée. Ce qu’il y a derrière la peau ? J’imagine encore une peau de bébé.
Hier. Fameux trmd – toi-même tu sais. Des heures en moins, partout. M. fait remarquer qu’à son arrivée, il y a dix ans, il y avait quatorze heures de module-relais dans l’établissement – aujourd’hui, plus qu’une. On m’apprend aussi que, si les choses se goupillent carrément mal, l’année prochaine je pourrais bien voir mon poste supprimé. Première pensée : si c’est le cas, marre, je démissionne.
Aujourd’hui. Entretien avec le proviseur du lycée St J. d’I. Les choses se précisent. J’ai le profil et le courant passe bien. Seulement, là-bas, il faudra bosser en costume et rasé de frais. Puis BPI pour des monographies de Munch, un essai de Dominique Dussidour et ce fameux Journal du Poète Fou qui n’existe qu’à l’état de liasses éparses.
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