Il s'arrête devant moi à la fin du cours, me regarde dans les yeux et me dit : « M'sieur, vous êtes marrant comme prof. »

Valériane 300mg, passiflore 270mg, mélatonine 1mg, c'est la dose pour le soir. Et c’est magnifique, car ce cocktail de plantes et de poudre de perlimpinpin me fait dormir comme un bébé.


Une heure de sieste à 13h. Les siestes, la valériane me sauvent la vie, littéralement.

Jour de commémoration de l'indépendance – et j'imagine dès maintenant, le long des routes à la tombée de la nuit, les centaines et les milliers de processions à antorchas dans tout le pays qui démarrent ; les jeunes tels des ninjas caraïbes, avec leurs bandeaux "vamos Guate" sur le front, portant fièrement la torche derrière les pickups au milieu du trafic infernal. Ces relais d'antorchas – qui célèbrent les cavaliers de 1821 apportant la nouvelle de l'indépendance aux autres pays de la Mésoamérique – forment en moi une image d'orgueil, de tendresse et de violence, à la mesure de mon expérience du Guatemala.


S. est venu à la maison pour les échecs. Défense hollandaise. Hier, au retour de la Antigua, deux heures et demie dans les bouchons au milieu des antorchas. Joie des jeunes d'ici dans le vacarme, au milieu des gaz d'échappement et des voitures à l'arrêt, avec leurs sacs plastiques remplis d'eau qu'ils se jettent à la tronche, et les adultes stoïques, sourire aux lèvres devant la longue file des véhicules qui s'étire jusqu'à l'horizon.


« J'en étais là, quand un dimanche soir il m'arriva enfin quelque chose qui méritait d'être raconté. J'avais passé presque toute la journée à ruminer mes frustrations d'écrivain (...) quand, dans le tramway qui me ramenait à la pension, un faune en chair et en os monta à l'arrêt Chapinero. J'ai bien dit un faune. Je remarquais qu'aucun des passagers ne semblait surpris par sa présence et je crus que c'était un des vendeurs ambulants du parc pour enfants qui s'était déguisé. Mais je fus vite convaincu qu'il n'en était rien, car ses cornes et sa barbe étaient aussi dures que celles d'un bouc, au point que je crus sentir la puanteur de son poil. Il descendit comme un père tranquille avant la rue Veintiseis, qui était la rue du cimetière, et disparut entre les arbres du parc.

Domingo Manuel Vega, réveillé par les soubresauts que je faisais dans mon lit, me demanda ce que j'avais. "j'ai vu un faune monter dans le tramway", lui répondis-je à moitié endormi. Lui, tout à fait réveillé, me répliqua que si c'était un cauchemar j'avais dû trop manger, mais que si c'était le sujet de ma prochaine nouvelle il le trouvait fantastique. Le lendemain matin, je ne savais plus si j'avais vu un faune ou non dans le tramway ou si j'avais eu une hallucination dominicale. (...) Au bout du compte, l'essentiel pour moi n'était pas de savoir si le faune était réel, mais si j'avais vécu l'épisode comme s'il l'était. Songe ou réalité, il ne fallait pas le considérer comme un sortilège de l'imagination, mais comme une expérience merveilleuse de la vie.»

Vivir para contarla, Gabriel García Márquez.


L. me fait comprendre dans un mail qu'il n'y a plus que les stars qui vendent encore quelques livres en France. Si je veux avoir la moindre chance pour ma prochaine fournée, il faudrait que je m'active un peu sur les réseaux. Évidemment, L. a raison. Mais c'est quand même terrifiant cette époque où écrire ne suffit plus pour écrire. Pour la énième fois, je dois réfléchir à comment dire des trucs intelligents dans des espaces conçus pour qu'on y dise des conneries. Dans peu de temps, je crois que je ferai mes propres livres, pour moi-même et une poignée de lecteurs, façon art brut, avec imprimerie maison et tirage à dix exemplaires.