Retour bagnole de Pontivy. Écoutons les leçons théâtrales de Michel Bouquet. Jouer le texte, dit-il, c’est d’abord le comprendre mieux que quiconque. Le soir, je reçois le loup. J’espère que le montage que nous imaginons me sortira de mes ennuis. Puis pizza devant The Yards.


B. partie jusqu’à la fin de la semaine. Je suis tellement ailleurs, inattentif, que je n’ai compris son départ pour Bordeaux que ce matin. Hier, des bières avec C. au Chat Noir qui m’explique le fonctionnement de l’enseignement à l’étranger. Chimère à laquelle je m’accroche vaille que vaille. Au même endroit, soirée open mic anglophone où nous rencontrons C. – pas bien compris ce qu’elle faisait là si ce n’est qu’elle écrit et fait l’actrice, et tant d’autres choses sans doute.


Retour de B. – qu’elle me sorte de mon marasme. Juste repris la publication en ligne des entrées du journal, mais j’ignore si c’est utile, si c’est pérenne. Mais il y avait ce besoin de recommencer le sculptage à même la pierre infinie du texte, pour redonner cohérence et consistance à mon existence.


Revue Papier Machine avec Gloomy Baboons – concert-performance très réussi, plein d’allant, avec dessins composés sur le vif à la palette graphique : peut-être la meilleure manière, musique et dessins, de présenter au public des textes de revue. Rencontre J-B., sympathie immédiate.


La Maman et la putain. Au contraire de mes craintes, pas d’ennui, jamais – ou alors seulement l’ennui vrai de la vie. Pour faire écho au texte d’A. publié sur son site, pas eu l’impression d’un film représentant spécifiquement l'après 68 que nous fantasmons. C’est autre chose. Pas un document ni un témoignage. Plutôt la mise en scène d’une situation particulière (fictive ou non, peu d’importance) ; et, ce qui en fait tout l’intérêt et la réussite inaltérable, outre le jeu des acteurs et la douceur du filmage, c’est justement sa grande durée, effarante, supra-cinématographique. En effet, ce n’est plus tant un film qu’on regarde, mais un morceau entier de vie supporté par le dispositif d’un artiste.


À bout d’énergie. Un autre pot avec des collègues que je ne reverrai sans doute plus. Même chose depuis trois ans. G. me rappelle l’existence de la chanson The Passenger – and I ride, and I ride. Aujourd’hui à Péri pour aider à gérer le centre de correction des copies DNB. Caricature des profs de français – et uniquement ceux-là – rechignant pour tout, me font honte, leurs airs de princesse courroucée, drapés dans le velours de leur très-haute-dignité-culturelle, en vertu de quoi bâcler les corrections, refuser de prêter main forte car voyez-vous ils ne sont pas « secrétaires », etc. Voilà, nous méritons bien, parfois, une part des saloperies qu’on dit sur nous.


Soirée de fin d’année Péri. Belle ivresse, joyeuse bordélique et frénétique. Discours d’adieu d’A., touchant et sincère, qui me rappelle que moi aussi sans doute, sous peu, j’aurai le sentiment de perdre de vue l’essence de mon métier et qu’il me faudra partir, quitter, pour avoir une chance de le retrouver. Ce soir Bretagne ; horizon orangée derrière le fouillis des chênes et le golfe si calme – silence, toujours silence.