on pourrait dire que j'ai passé ma vie à éviter ces conneries : l'existence serrée inutile, l'accordéon sans fin qui vous crispe l'échine et à l'intérieur duquel le mot patience est sans substance. Cette existence climatisée deux bonnes heures par jour (bien prendre garde à fermer le clapet d'aération pour respirer moins les saloperies d'échappement), il y a quelques années je pensais bêtement qu'il vaudrait mieux le bagne que vivre ça ; et cette existence pourtant il faut croire que je l'embrasse en toute connaissance de cause, avec la radio d'infos guatemaltèques à fond les ballons afin que l'espagnol me rentre dans le crâne même si ça fait mal. Glorieuse Carretera San Salvador qui mène au lycée, son macadam défoncé jonché de trous béants qu'on n'ose appeler nids-de-poule, et le trafic comme infinie vomissure qui entre et sort de la ville de six heures à vingt heures (et plus encore ?) – patience des guatémaltèques à l'arrière des camtars rouillés qui vont aux chantiers, leurs tronches burinées, endurants aptes à toutes les attentes – on attendra, on attendra, on pensera qu'un jour de grâce la nuit tombera sur la Carretera déserte et qu'on pourra filer.
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