Premier camp depuis l’arrivée au Guate. Sierra de la Minas, Finca El Olvido. Nuit et lune orange, reflètent toute la chaleur accumulée de la journée. Trente-cinq degrés à l'ombre et toujours cette gaze fine étalée de crasse à l’horizon, qui ne s’en va sur le pays et sur le monde.


La montagne est si sèche là-haut. Arbres brûlés par le soleil à perte de vue. Dès onze heures la chaleur est insupportable. Hier longue marche improvisée sur les sentes non répertoriées du massif à travers les plantations de café. On se fie aux cartes satellites et aux points cardinaux. Ce qui change : maintenant je sais marcher seul au Guatemala.


Hier Stromboli, Rosselini, juste pour la scène finale du volcan. Car j’ai appris que derrière volcan, dessous volcan, il y a quelque chose à débusquer. La petite forme nuageuse qui se développe dans mon esprit doit se nourrir de volcan. Et de femme. Femme et volcan tout ensemble. Va savoir.


L’immense décharge qui borde le lac Amatitlán est en flammes, dégageant d’immenses nuées toxiques au-dessus de la région. Cours annulés demain encore et sans doute jusqu’à la fin de la semaine. Nous vivons les fenêtres fermées malgré la chaleur.
Sur la Prensa Libre, je regarde la vidéo d’un bulldozer au milieu des monticules d’ordures, dégageant les déchets pour éviter leur combustion. Autour de lui, un brouillard visqueux. On distingue les phares d’autres machines et des silhouettes qui s’activent dans la pénombre. Je repense à Koltès dans la nouvelle de Prologue : tu castigo es verme.
À la Capitale, la pollution rougit même les nuages. Quand je passe ma langue sur mon palais, je crois sentir les particules de plastique cramé.


Lu dans la presse hier : Arévalo déclare l’état de catastrophe naturelle. Des incendies se déclarent simultanément dans tout le pays. Lu dans la presse aujourd’hui : le congrès, à majorité de ceux qui ont tenté un coup d’État institutionnel, refuse de voter l’état de catastrophe naturelle. Les types préfèrent donc voir le pays cramer – ceux qui sont planqués à Cayalá ou sur les hauteurs dans leurs condos – pour emmerder par tous les moyens un président dont ils ne veulent pas.


Fin du Tournoi des Candidats. Impassibilité jusqu’à l’ultime seconde de Caruana, qui ne trahit rien ni de la tension ni des raisonnements sinueux et abyssaux qui le traversent ; toujours la même posture, il ne bouge pas d’un pouce, sa main soutenant son menton, les yeux posés doucement sur l’échiquier qu’il observe comme un critique d’art. Et soudain la pluie tombe dans la touffeur de la nuit violette.



Maldormir, encore. Trop chaud, mais le ventilo fait du bruit, mais les boules quiès infectent mes oreilles. Dehors, par la fenêtre, c’est un boucan continuel même en pleine nuit de camions pétaradants, et le matin, dès quatre heures, de pépiements d’oiseaux.
Après des mois à tourner autour, j’entame Under the volcano et n’y trouve pas ce que je pensais. Extrême lenteur, les paragraphes titubent, plongés dans une torpeur que rien n’annule. Le Consul délire, Yvonne pleure sur son cheval — les personnages sont présents sans qu’on sache jamais trop pourquoi. C’est donc ça qu’on trouve sous un volcan, non le feu et la fureur, mais le moite ou le guingois ?


Vu L’Alibi, le documentaire sur H. Poignant – et poignant d’abord parce que lui, H., est simple. À l’image, devant la caméra, H. est simple, simple devant la brutalité de cette existence de laquelle il s’est extirpé avec des mots simples, avec ses yeux d’enfant éternel. Dire que ce type-là, mon collègue, avec qui je blague simplement tous les jours, dire que ce type-là c’est ça, un Maya, qu’il vient de là, qu’il sait tout ça, et qu’il a éprouvé, vécu et traversé des moments qui pour moi ne sont que des mots de romancier ou de sociologue. Le documentaire est sous-titré : transclasse. Lorsque ce mot est prononcé de manière affectée par des Français, je le trouve grotesque. Lorsque c’est H. qui l’explique simplement, c’est beau et terrible à pleurer.