Épuisante impression perdre minute par minute l’attention et le respect de la classe, et que si ça continue je n’aurais plus que le foutoir jusqu’à la fin de l’année à me caler derrière l’oreille. Difficulté du mot autorité : à mon corps défendant comme si toute mon attitude, mes phrases et les phrases qui se devinent derrière mes phrases, invitaient les élèves à me rouler dessus.
Dix items à la todo pour aujourd’hui ; fait sept. Matin kiné – une semaine sans sport et déjà les douleurs pubalgiques disparaissent. Une catastrophe aussi : le plugin de Calibre permettant de supprimer les DRM des epub ne fonctionne plus, sans doute à la suite d’une mise à jour. Je dois me démerder pour emprunter vraiment les epub de la bibliothèque avec les saloperies d’Adobe.
Dans Enfances de classe, je lis dès le début cette formule lumineuse qui a l’évidence des choses simples : « les enfants vivent au même moment dans la société, mais pas dans le même monde. »
Fiche de paye. Sentiment de me faire niquer, ou plutôt de m’être laissé niquer par manque de rigueur, d’attention, d’intelligence – précisément, par connerie. Je ne suis pas à 80% de temps plein, mais à 77,8%, ce qui me fait retomber au-dessous du seuil des 85,7%, car il fallait indiquer sur le formulaire 14,4h/semaine plutôt que 14h – et comment tu les fais, les 14,4h/semaine, connard ? Les nombres d’aujourd’hui sont absurdes et n’ont presque plus d’existence ; le cours du bitcoin, les dettes d’État, jusqu'aux pourcentages d’heure sur un service de fonctionnaire, perdent toute consistance, tout aspect de réalité. Mais, parce que je ne comprends pas ça, le bitcoin, la dette et le service, dans ce combat intime contre la vie en société, je serai toujours perdant.
Giono toujours, Roi sans divertissement – mais se trouve-t-il vraiment une clef chez lui qui ouvrirait sur ce que je souhaite ? Seul footing de la semaine, pas de douleur.
Giono. Bifurque, après la trilogie panique des débuts marquée par une irrésistible élégance naïve – de loin la meilleure part de son oeuvre –, vers une expression plus terreuse, instinctive et revendicative, où la question du style, je dirais, s’annule d’elle-même. Il se moque désormais d’élégance et d’élévation, seule compte la force d’évocation des mots pour dire les villages de moyenne montagne et les métiers paysans ; presque plus de phrases, mais des syntagmes surponctués lardés d’effets oralisants ; plus de petite musique entêtante des textes jolis, mais les gros doigts d’une main désignant les lieux, personnages et péripéties – s’il en faut. Donne l’impression d’avoir écrit malgré son époque.
J’attends toujours que les gens meurent avant de les connaître, c’est un principe d’hygiène. Bruno Latour, par exemple ; je ne m’autorise qu’aujourd’hui à aller lire ses livres. Avant, c’était beaucoup trop incertain ; là au moins, ça ne bougera plus. Il faudrait donc que les gens qui écrivent de bons livres meurent au plus vite. Cette conférence inaugurale à SciencePo en 2019. Rappelle le grand « la Terre s’émeut » de Michel Serre : la découverte (récente) que la Terre réagit à notre activité est une révolution aussi profonde que la galiléenne, dit-il.
Midi, au cdi, où j’avais décidé de me planquer pour lire. Surprends par hasard une sieste littéraire animée par A. Neuf élèves allongés sur des transats qui rêvassent en l’écoutant raconter le conte du poisson. J’essaye de ne pas me faire remarquer, de ne pas interrompre ce moment fugace où, j’en suis sûr, le texte agit. Ensuite, quelques questions naïves sur les détails, les entours – c’est comme ça et pas autrement qu’il faut faire passer les textes aux enfants.
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