Les infos bouclent encore à la télé. On parle de cet ancien colonel russe, passé au MI6, qu’on a retrouvé empoisonné sur un banc à Salisbury. Je regarde Vassilis à côté de moi, qui dort, et je comprends enfin : lui aussi, c’est un ancien du KGB. Son vrai prénom est probablement Vladimir. Il y a longtemps les Grecs l’ont retourné, et il a vendu des informations à l’EYP pendant les années 90. À présent il se terre au fin fond du Péloponnèse, et il vit dans la crainte des représailles russes. Un jour, on le retrouvera malade à en crever : on aura empoisonné son huile d’olive. Pas de répit pour les ennemis de la Russie éternelle !
Je m’agace de la lourdeur de la traduction Leconte de l’Odyssée — on m’avait prévenu pourtant ! — et je suis ennuyé de ne pouvoir me procurer ici celle de Jaccottet, restituant davantage l’hexamètre homérique, et qui semble la meilleure à ce jour. Mais où je suis, bien sûr, on ne trouve pas beaucoup de livres, et La Découverte ne propose pas ses ouvrages en numérique. Cela devra donc attendre mon retour. Toutefois, la Leconte à cet avantage, pour moi qui me désole de n’avoir jamais étudié de près les grands récits de la Grèce Antique, de présenter avec une grande clarté des événements, mais surtout des personnages que je connais mal — et Nestôr, Egisthe ou Kirké me deviennent enfin familiers.
Bergounioux disait quelque part : « le monde n’est plus le même après qu’on a lu l’Odyssée ». Il l’avait lu en cinquième.
Ma promenade quotidienne vers les 17h, jusqu’au petit port où barbotent quelques bateaux de pêche armés seulement pour les côtes — et quelle poiscaille ramènent-ils donc ? Dans les terres, tout à l’heure, le gris du ciel, lourd, grande nappe uniforme posée sur le pays, absorbait tout le jus des couleurs, et le vert-de-gris et le rouge tomate du paysage, privés de soleil, se fondaient en une pâte sombre un rien menaçante. À mesure que j’approchais la mer, surprise, quelques rehauts, de l’azur, des reflets rosés jusque sur l’écume des flots — et le piètre photographe que je suis ne saura pas rendre l’effet.
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