Chose terrible et absurde ce matin. Accompagnés de deux députés, nous manifestions avec les collègues devant le siège de la DSDEN pour réclamer « des heures et l’argent des heures ». Au milieu du show, une dame est venue : « y a-t-il un médecin parmi vous ? » Dans l’enfilade, à cinquante mètres, un homme d’une quarantaine d’années faisait un malaise, allongé derrière une voiture. L. et A. se sont précipités pour lui porter les premiers secours, tandis que les huiles du rectorat, les députés et nous autres profs continuions le petit théâtre. Ensuite, le coeur de l’homme s’est brutalement arrêté ; les collègues, terrifiés, ont commencé le massage cardiaque. Du côté du théâtre, chacun regardait en coin ce qui se passait un peu plus loin. On parlait des heures manquantes, de la DHG irréaliste, mais un homme était en train de mourir juste à côté.

Ce n’est même pas que cette parodie de débat était dérisoire (elle l’était, pourtant). Le plus étrange, c’est que – moi le premier – nous hésitions. Nous étions face aux huiles avec nos slogans débiles, mais nous nous concentrions sur nos collègues qui prodiguaient le massage. On faisait semblant de parler et les huiles faisaient semblant de nous écouter. L’entre-deux cognitif était si fort, si dérangeant que j’ai fini par lâcher prise, comme tout le monde je crois : l’homme qui mourrait ne mourrait pas vraiment et nos problèmes professionnels pareils. Ce n’était que quarante poupées sans articulations sur les trottoirs de la rue et plus personne n’était plus rien.


Oraux du brevet. Vacuité de l’épreuve qui pousse les élèves vers le néant de la pensée. Présenter un « parcours avenir », le problématiser (sic), annoncer un plan (re-sic), et conclure (re-re-sic).

Petits moments tout de même : un élève faisant une brillante démonstration de beatboxing ; un autre, fuyant ces putains de parcours avenir, présente Tom Sawyer, son livre d’enfance, le seul qu’il ait jamais lu. Ce qu’il dit du livre, la description de ce que le livre a modifié en lui, les marques qu’il a creusées dans sa tête, ça vaut dix fois mieux que ce qu’on dira jamais d’un livre en classe de français.


Journée pleine, déménagement approche, rien à dire. La normalité de l’existence, justement dans ses moments les moins routiniers, s’enroule autour de moi comme du papier tue-mouches. Un type qui déménage, s’embourgeoise – tentation de jeter un oeil par-dessus l’épaule pour compter les accomplis.

Crépuscule, de Casséus – programme des livres achetés et lus au hasard. Je crois que le livre n’a globalement rien à dire, mais certaines images, particulièrement incisives, demeurent en tête et sauvent l’ensemble. Peut-être qu’on peut faire tenir tout un bouquin avec quatre ou cinq très bonnes images seulement.


Seize cartons entassés sur deux colonnes montant jusqu’au plafond. Tout ce que je possède, livre, bouffe, fringues, alcools, tient dans seize cartons. Est-ce que c’est beaucoup, est-ce que c’est peu, est-ce que c’est normal ?

Comme si quelqu’un d’autre dans le cockpit avait pris le contrôle de l’appareil.


Une éternité que je n’ai pas tenu ou publié le journal. Je l’avais égaré et me servais de ce prétexte pour ne pas écrire.

Avons déménagé. Comment dire, en termes exacts, que le lieu où je suis est hybride – entre le chaud et les bruits de la rue – qu’on ouvre les fenêtres ! – tout est étranger encore – je suis où maintenant ?

Soirée de lancement des Reptiles de Guillaume Marie et de l’All inclusive de Rim Battal (sacrée meuf). Fin de soirée après quelques pintes : guilleret, moral gonflé à bloc. Ce sont ceux-là, les gens qui blaguent, picolent sur les textes, les lisent à tour de rôle dans le canapé d’une sorte de drugstore, ceux qui savent qu’en général c’est très chiant – ce sont ceux-là qui m’intéressent.

Dire aussi que C. est une connasse et qu’elle pourrait bien être ma Manie Dudu.