Fin correction des épreuves et le titre, donc, Quatre couleurs. Hier pizza Oxymore et verre avec V. et C. Ce soir ciné. À quel point ces habitudes parisiennes, que j'avais fini par dédaigner, me manquaient.


Et je me pose la question des serrures : est-ce qu'une serrure est à l'endroit si elle s'ouvre par une clef dont les dents pointent vers le bas, ou vers le haut ? Depuis quelques mois, en France ou au Guatemala, j'observe toutes les serrures que j'ouvre et que je ferme, et j'observe qu'elles s'actionnent toutes avec des clefs dont les dents pointent vers le haut... Pourtant, jusqu'ici, dans cette vie passée à ouvrir et fermer des portes, je jurerais n'avoir croisé presque que des serrures qui s'ouvrent avec les dents en bas. Est-ce qu'on aurait changé toutes les serrures du monde, une nuit, en me cachant tout ? Est-ce qu'on aurait changé toutes les normes des serrures, et décrété unilatéralement que, désormais, sera considérée comme à l'endroit une serrure s'actionnant avec des dents en haut ?

Et les rues de Paris, pareil. J'ai l'impression que des rues, autrefois verticales, sont devenues horizontales. J'imagine que pour les JO on a modifié l'orientation de certaines rues. D'ailleurs, je ne remonte plus aucun boulevard, je les longe. Ils auraient pu prévenir.


Tout le weekend à Carnac avec M. ; partagé mon coin de mer avec lui. Comme toujours hors du monde, fumé un peu, bu des bières face au soleil couchant. Cette fois peu de mots entre nous, pas de grands discours ; calme et mer suffisent.

Messages. Je réponds rarement aux messages que je reçois, parfois même je ne réponds pas à B. Je m'en veux et je ne sais pas pourquoi je fais ça. C'est très profond et inexplicable. Les années passent et je ne fais que m'isoler. Je me fais oublier d'autrui, qu'on ne me doive rien, qu'on ne m'aime pas, que je disparaisse de toutes les têtes. Et c'est une angoisse terrible car j'y parviens, je disparais en effet. Je ne me vois plus, ne me sens plus. Même pour moi, certains jours, je parviens à ne plus exister. Ensuite, quand je me reprends, je dois faire un effort démesuré pour recommencer à exister.


Soirée, dernière, avec A. Discussions roboratives, écrire et la vie ou l'inverse. À un moment : « ça m'avait manqué » – à moi aussi putain. Dernière journée avant le retour. Beaucoup de mal à imaginer qu'un autre monde existe là-bas et m'attend.


Avion. Au milieu de l'Atlantique à quelques heures de Bogotá. La version Darras du Volcan est la seule qu'il faille. Toutefois, le grand passage conduit par Hugh, après la promenade avec Yvonne et avant le départ pour Parián – le récit de ses tribulations maritimes et musicales, au rythme toujours incertain – m'apparaît un vrai moment de creux. Et l'éditeur, Cape, était aussi de cet avis. Lowry en revanche l'a défendu bec et ongles.

Mais c'est peut-être le faux rythme de ce chapitre, ses longueurs ennuyantes, qui construisent le Hugh qui restera dans les esprits, mystérieux et incernable, pour chacun à l'exception du Consul.


Retour Guate. Tout est encore là, et les choses sur lesquelles, dans l'espace de ce mois d'absence, s’est déposée une couche fine de souvenirs, m'apparaissent à la fois plus brillantes et plus denses. Je ne souffre pas du décalage horaire. J'ai rangé cet après-midi le bureau. Je voudrais reprendre comme si de rien n'était.