On ne le croirait pas, vu d'ici, qu'en périphérie des déchirements du monde se trame aussi un coup d'état – golpe – qui avance lentement, se met en place dans la quiétude des centres administratifs. Le 20 aout, le candidat Bernardo Arévalo a remporté l'élection présidentielle guatémaltèque, mais l'élite au pouvoir, depuis, se ligue pour préserver les intérêts de la centaine de famille qui possède tout et gouverne par corruption, clientélisme et accaparement.
La semaine dernière, la fiscal general, Consuelo Porras, a fait saisir auprès du Tribunal Suprême Électoral les résultats de la présidentielle pour les faire invalider. En réaction, les organisations indigènes et de jeunesse ont commencé à bloquer le pays, en mettant leurs véhicules au travers des routes.
Jusqu'à hier, c'était encore du bruit dans ces journaux guatémaltèques que je comprends si mal ; à présent c'est une réalité, jusque sous les murs du quartier aisé où nous nous trouvons : les chauffeurs de taxi (véhicules blancs), les étudiants et les organisations indigènes bloquent les axes de circulations dans toute la Ciudad. Les commerces sont fermés, les rues désertes – joie de marcher à pied dans le silence, mais y aura-t-il encore à manger, de l'eau, de l'électricité demain ?
Pas d'inquiétude, déjà le gouvernement dénonce la violence des manifestants – vieille rengaine politique au Guatemala aussi ; alors un jour ou l'autre, question de temps, pour justifier l'injustifiable et les intérêts d'une caste, on fera peut-être tirer sur la foule afin que les bagnoles reprennent la course folle, et que le fils du patron de telle entreprise de télécom continue, par exemple, d'être le ministre des télécom, et que très loin d'ici, très loin de moi, les pauvres puissent continuer chaque jour à crever de leur essence de pauvre.
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